http://m.marianne.net/Les-elites-francaises-ont-honte-de-la-France_a235106.html"Je lui avais dit que j'étais très frappée de voir à quel point les élites britanniques étaient fières de leur nation. Aujourd'hui, pour moi, c'est plus que jamais un constat absolu et évident. Les élites françaises ont honte de la France, ce qui n'empêche qu'elles peuvent avoir un comportement extrêmement arrogant, même si cela peut paraître paradoxal."
"Je n'ai aucune admiration pour la grande majorité des élites économiques, mais je pense qu'il y a des exceptions. Ainsi, par exemple, Jean-Louis Beffa, l'ancien patron de Saint-Gobain, me semble avoir encore une conscience nationale. En revanche, ce n'est pas du côté des banques qu'il faut chercher. L'épargne française est énorme, 17 % du revenu... Qu'en font-elles ? Rien, ou plutôt rien d'utile à notre pays. Quant aux élites politiques, je les fréquente au quotidien, ils sont atteints d'un double syndrome : d'une part, ce que mon ami Sami Naïr appelle le «bonisme», c'est-à-dire la bien-pensance vertueuse. D'autre part, elles sont obsédées par l'idée que la gauche manque de légitimité. Celle-ci doit donc être convenable et le montrer. A chaque fois que des ministres se font agresser par la droite, ils se défendent en disant qu'ils respectent les codes du monde libéral. Aujourd'hui, je ne vois guère qu'Arnaud Montebourg qui sorte du lot, même s'il y a quand même des ministres qui travaillent utilement, Michel Sapin par exemple.
Dans les médias aussi, c'est un peu la Berezina. Le mot «nation» hérisse. Libération reste le journal du courant «libéral-libertaire», même si on y trouve encore quelques pépites ici et là. Le Monde ne cesse de me décevoir, cela remonte déjà à assez loin et c'est encore plus vrai ces derniers temps, il ne reste plus grand-chose de ce grand journal. Le Figaro ? Il est devenu l'organe officiel de la mise en accusation de la gauche au pouvoir et à peu près rien de plus. "
"Et les hauts fonctionnaires ? En tant qu'ancienne directrice de l'ENA et en tant que conseillère d'Etat, vous en avez beaucoup côtoyé...
M.-F.B. : Généralement, ils partagent l'idéal européiste angélique et vertueux. Ils ont tous appris que «l'Europe est notre avenir». Sur ce sujet, leur esprit critique est assez peu développé. Ils pensent tous que la France est une affaire dépassée. "
"Car, ne nous trompons pas, c'est Sciences-Po, la grande école. C'est là que les étudiants sont formés, voire déformés. Or Sciences-Po est devenue «l'école du marché», selon les termes mêmes de Richard Descoings, qui a reformaté cette école. "
" Le problème aujourd'hui est de faire comprendre aux Français que la nation bien comprise est source de modernité, non de repliement : mais comment le leur faire comprendre alors que, à gauche comme à droite, l'Europe telle qu'elle dérive est devenue «la grande illusion» ?"