http://www.lenouveleconomiste.fr/tres-rigoureuse-la-supervision-bancaire-francaise%E2%80%89-29613/"Dans son plaidoyer publié dans ‘Le nouvel Économiste’ du 15 janvier, M. Noyer, gouverneur honoraire de la Banque de France, enchaîne quelques affirmations discutables.
“Le système bancaire de la zone euro va bien. Il est solide, il va bien…”
Vraiment ? Beaucoup de banques sont en cours de liquidation, ou ont dû être nationalisées, ou sont en phase de sauvetage ou de redressement ou de fusion forcée, ou sensiblement sous-capitalisées de l’avis de la BCE, ou en fortes pertes (6,7 milliards de pertes en 2015 pour la Deutsche Bank), ou truffées de créances douteuses cachées sous les impôts différés actifs, là encore de l’avis de la BCE, sans oublier les spéculations qui prolifèrent hors bilan, et qui augmentent, contrairement à ce que dit M. Noyer.
Les exigences de fonds propres ont été “multipliées au moins par quatre” ; oui, rapportées aux risques tels que calculés par les banques elles-mêmes ; quatre fois rien, c’est pas grand-chose. Mais calculés par rapport au total des actifs, les fonds propres restent à des niveaux dangereusement bas, autour de 5 % : 5 % de pertes, et c’est la faillite.
“Calculés par rapport au total des actifs, les fonds propres restent à des niveaux dangereusement bas, autour de 5 %”
Puis il vante la supervision bancaire “très rigoureuse” en France.
Pourquoi alors n’a-t-elle pas évité les coûteuses faillites du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs il y a 20 ans, ni celles de Dexia et du Crédit immobilier de France tout récemment, ni la quasi-faillite de Natixis, que seule une ponction vigoureuse sur ses deux grands actionnaires a pu sauver ?
Pourquoi n’a-t-elle pas mis le holà à toutes les dérives qui se produisaient chez Dexia, pour finalement décider qu’après tout, c’était un problème belge ? Ni encadré les opérations pratiquées par la banque parisienne AIG, préférant décider que c’était un problème britannique, et puis non, un problème américain ?
Pourquoi n’a-t-elle rien fait pour que les banques rendent enfin leur argent aux ayants droit du 1,8 million de comptes et livrets bancaires prétendument en déshérence et contenant 1,5 milliard d’euros ? Et pour protéger les communes, les départements, les offices d’HLM, les hôpitaux contre les prêts toxiques proposés par nos banques, obligeant certains d’entre eux à aller en justice ou à augmenter fortement les impôts locaux ? Ou des emprunteurs contre de dangereux prêts immobiliers en francs suisses recommandés par BNP Personal Finance, à l’époque sous la responsabilité de l’actuel gouverneur de la Banque de France ? Ou encore pour protéger les emprunteurs immobiliers submergés de prêts défiscalisés excessifs par des courtiers et banquiers insatiables dans l’Affaire Apollonia ? Ha, mais si, elle a quand même fait quelque chose : elle a nommé la directrice juridique du principal courtier en prêts bancaires impliqué dans cette affaire comme membre de sa commission consultative sur les pratiques commerciales, censée protéger les clients…
Pourquoi les sanctions pécuniaires infligées aux banques depuis la crise se montent-elle à une vingtaine de millions d’euros, dont la moitié contre des banquiers étrangers, contre 180 milliards de dollars aux États-Unis ?
“Pourquoi les sanctions pécuniaires infligées aux banques depuis la crise se montent-elle à une vingtaine de millions d’euros, contre 180 milliards de dollars aux États-Unis ?”
Pourquoi n’a-t-elle pas vu les spéculations de M. Kerviel qui, supérieures aux fonds propres de la Société Générale, lui ont coûté 5 milliards d’euros de pertes et ont failli la ruiner ? Pourquoi n’a-t-elle ensuite infligé qu’une amende de 4 millions d’euros à cette banque pour “carences graves dans le contrôle interne” ? Parce que la sanction maximale était de 5 millions… Depuis, le plafond a été multiplié par 20, mais les sanctions réelles des banques seulement par 2,5, et elles ont même cessé depuis deux ans ; plus d’infractions, vraiment ?
“La BCE s’est inspirée d’un certain nombre de nos pratiques” : on s’inquiète, d’autant que c’est la secrétaire générale du superviseur français qui est devenue présidente du mécanisme de supervision unique européen."
Michel Crinetz, Ancien superviseur financier, Collectif Roosevelt